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"Il n'y a qu'à"

Nicolas Sarkozy, président de la République, avait demandé à une commission, présidée par le prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz, de faire des propositions pour d'autres indicateurs de performance économique que le PIB (Produit Intérieur Brut). Eloi Laurent est le nouveau penseur du « nouveau monde économique » (C'est le titre de son livre publié chez Odile Jacob). « Il est impératif, dit-il, de compter autrement. C'est notre bien-être et la survie de la planète qui sont en jeu. » A l'initiative de Manuel Valls, Premier ministre, les députés vont réfléchir à dix nouveaux indicateurs « complémentaires ».

Philippe Aghion, théoricien inspirateur, paraît-il, de la politique d'Emmanuel Macron, préconise un « changement de stratégie » pour encourager les investissements innovateurs, et s'engager résolument dans la spirale positive de la « destruction créatrice » selon Schumpeter.

James K. Galbraith, lui, pense que le « modèle français » peut et doit être sauvé, en renonçant à la course à la compétitivité et en renforçant les services publics, et en recentrant la stratégie sur la recherche d'un objectif de bien-être social.

Janet Yellen, présidente de la Fed (la banque centrale américaine), pense qu'un juste taux de l'inflation serait, en vertu d'un certain raisonnement économétrique, assez obscur, il faut le dire, comme le souligne Paul Jorion dans Le Monde du 30 septembre 2015, la clé d'une amélioration de la situation de l'emploi.

Ces quelques exemples montrent évidemment d'abord la grande diversité de la pensée économique. Mais, au-delà de cette diversité, un point commun attire l'attention. C'est que toutes ces démarches procèdent d'un postulat commun, à savoir que la réalité économique et social procéderait d'une idée directrice, d'une sorte de « stratégie » de l'organisme social.

Cette idée est, assez largement, une illusion. Des acteurs, l'Etat, une entreprise, un particulier, peuvent, chacun de son côté, avoir une stratégie, c'est-à-dire, une action orientée en fonction d'une idée directrice, d'un objectif. Mais la société, et a fortiori, l'économie mondialisée, est composée d'acteurs, mais n'est pas elle-même un acteur. Il n'y a pas – pas encore, diront certains – de gouvernement mondial. Le gouvernement même d'un pays ne maîtrise que très partiellement l'orientation de l'économie de ce pays. L'idée qu'il suffirait de partir d'un bon raisonnement, d'une bonne idée, pour remettre l'économie sur de bons rails est donc certes généreuse, mais illusoire.

Mais elle n'est pas qu'illusoire. Elle est aussi, paradoxalement, très conservatrice. Les économistes, en effet, initient leurs raisonnements à partir d'analyses de ce qu'ils considèrent comme des mécanismes à l’œuvre dans l'économie réelle. Les marchés permettent de tout évaluer en monnaie, non seulement le PIB, mais aussi le bien-être. L'innovation crée de nouveaux besoins et de nouveaux emplois, inflation et chômage sont corrélés dans toutes les bonnes statistiques, etc. Les « solutions » proposées consistent à glorifier un aspect de la réalité économique et d'en faire la « stratégie » qu'il faudrait maintenant suivre pour nous remettre sur la bonne voie.

Hélas, le société est dominée par des rapports de force. On sait que la recherche du profit à court terme est la caractéristique principale de la stratégie des acteurs économiques. Or ce profit à court terme se traduit immédiatement par des ressources et des moyens d'action plus importants. Le système fonctionne donc de façon telle qu'inflexiblement, les plus forts se renforcent encore.



13/10/2015
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