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La "question" du droit dusol

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M. Sarkozy qui, comme chacun sait, n'est pas, lui non plus, en campagne électorale, vient de découvrir qu'il faudrait « poser la question » du droit du sol dans le code de la nationalité.

Il s'agit, non pas d'une « rupture », comme le dit Le Monde, mais d'un reniement. En 2012, lors de la campagne présidentielle, l'ancien président avait déclaré : « Je suis pour le droit du sol. Nous le garderons. J'ai été tout-à-fait constant sur cette position même quand cela peut nous poser des problèmes. Le droit du sol, c'est la France. » Voila maintenant que le chef d'un parti qui s'appelle lui-même « Les Républicains » est prêt à remettre en question ce qui « est la France », l'identité même de la République !

Passons sur ce reniement, qui ne fait qu'illustrer une nouvelle fois la versatilité et l'inconstance de ce personnage. Deux aspects me semblent plus fondamentaux dans cette nouvelle prise de position : 1/ le doit du sang est l'alternative au droit du sol, comme principe d'acquisition de la nationalité. 2/ le fait de dire qu'il s'agit d'une « question », d'un « débat » à ouvrir.

Le droit du sang, il faut le rappeler, existe partiellement en France, puisque un enfant né d'au moins un parent français est lui-même français. M. Ciotti, qui est probablement l'inspirateur de M. Sarkozy sur ce sujet, estime que les « non-européens » doivent « manifester la volonté de devenir français », et que « la nationalité ne peut pas s'acquérir par hasard, avec une procédure automatique ». Or c'est précisément ce qui se passe avec les milliers de « Français de souche » qui le deviennent en naissant, par hasard, et non par leur volonté délibérée et manifestée publiquement, de parents français. Le droit du sang est le droit du hasard.

A l'initiative de M. Sarkozy, on s'était naguère interrogé sur l'identité française. Le droit du sang fait de cette identité un héritage. On hérite de la nationalité française comme on hériterait d'une maison ou d'un compte en banque. Rappelons que le fondement du droit républicain est que la loi est la même pour tous. Si l'on doit exiger de jeunes issus de parents étrangers qu'ils manifestent la volonté de devenir français, la loi devrait exiger la même chose des enfants nés de parents français, qui, actuellement, sont français sans en avoir exprimé la volonté.

Toujours en 2012, M. Sarkozy avait déclaré, à propos de la proposition de Mme Le Pen d'instaurer le seul droit du sang en France : «  Avec le droit du sang, on a toujours un sang qui n'est pas suffisamment pur ». En effet, réserver la nationalité française (ou allemande, ou de quelque autre pays) aux seuls enfants de parents français revient à vouloir construire une nation de sang pur, composée de citoyens dont les ascendants seraient eux-mêmes français, et donc issus de parents français, et ainsi de suite en remontant les générations. Cette conception raciale de la nationalité, qui renvoie aux théories de Gobineau et de Hitler, repose, plus fondamentalement, sur une conception purement biologique de l'être humain. Elle réduit la personne à son ADN, à son « tas de cellules ». Cette conception biologiste est à l'opposé des traditions culturelles françaises, qu'il s'agisse de ses racines chrétiennes, pourtant si souvent rappelées par ceux-là même qui sont prêts à poser la question du droit du sang, ou de sa tradition de libre-pensée et athée, qui fait de l'homme son propre artisan, à travers la culture et la liberté individuelle.

La « question » posée l'est ainsi seulement pour les jeunes nés de parents étrangers, « non-européens », précise M. Ciotti. Il ne s'agit donc pas d'une question philosophique, qui serait une question s'adressant à tout être humain, mais d'une question policière, s'adressant seulement à certains humains, en fonction de leur naissance. Le « débat », s'il devait y en avoir un, ne concernerait donc pas la nature de la nationalité, l'identité de la France, mais poserait d'emblée que cette identité a un fondement racial, auquel pourrait s'ajouter, selon la volonté des participants au débat, plus ou moins de droit du sol, généreusement octroyé aux autres Européens et à quelques « non-européens » choisis selon des critères qui feraient l'objet du débat.

Ce n'est pas sans une certaine habileté que M. Sarkozy parle de « question ». Il feint de ne pas prendre parti, de ne pas apporter de réponse toute faite. La « question » serait ouverte. Mais, en réalité, ou bien on reconnaît au droit du sang une valeur morale, et on doit assumer les conceptions raciales qui vont avec, et M. Sarkozy se garde bien de s'aventurer sur ce terrain, ou bien on refuse ces conceptions et il faut les dénoncer. Poser la question comme une question ouverte qui peut faire l'objet d'un débat entre droit du sol et droit du sang, c'est admettre implicitement que ce dernier est recevable, sans le dire.

L'intervention de l'ancien président est donc à la fois insidieuse, en se déguisant en une simple « question » à poser, et raciste, en faisant de la nationalité française un privilège de naissance, ce qui est d'ailleurs contraire à la Déclaration des droits de l'homme, préambule de notre constitution.



22/06/2015
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